Maëllys Dréan : du bonheur de nager jusqu'à la réception à l'Elysée

Maëllys Dréan possède un sacré palmarès sportif après les Global Games. Déclarée avec troubles du déficit de l'attention et du Spectre Autistique, Asperger avec des troubles associés, cette jeune fille de 18 ans avance sans cesse sur le chemin de la réussite avec un désir d'ouverture aux autres par le biais du sport. Tout lui réussi, et elle croise toutefois les doigts pour son examen d'entrée en fac de médecine. Question natation, tout glisse, dans les bassins ou en eau vive. Les podiums succèdent aux podiums.

Interview avec cette nageuse de haut niveau sans aucune barrière qu'elle aurait d'ailleurs levée avec sa capacité d'analyse et son sens de la mesure. Plongeons avec elle dans ce grand bain de jouvence. 

Comment s'est passé le dernier stage suivi au Pôle France ?
Vraiment très bien avec beaucoup de travail technique d'une très grande intensité mais cela m'a fait vraiment du bien de me retrouver avec le Pôle, me recentrer aussi. J'ai eu la sensation de progresser, certes un peu fatiguée mais le corps s'habitue avec deux séances, une de deux heures le matin et une heure trente l'après-midi. Cette semaine passée à Vichy a été pour moi un bonheur. Je tiens à remercier  avec Bertrand Sebire, la responsable Aurélie Charasse, ce staff du Pôle qui m'a intégré. On s'y retrouve comme en famille. C'est bon de vivre cela et puis moi qui ai du stress, à organiser ma vie parfois, là tout est clean et pris en charge.  

Bon on sent ce bonheur de la rentrée mais celle des études comment s'est elle passée ?
Bien aussi. Là, il m'a fallu trouver mon rythme au niveau des études mais aussi la fatigue des transports et l'entraînement qui continue. J'ai certes quelques aménagements mais il faut être organisée. Les cours entrent facilement dans le cerveau avec cette filière mais les choses vont se compliquer en novembre avec l'entrée en fac de médecine.

Beaucoup de demandes mais peu de place ?
Oui tout à fait, 25 places pour 400. A la fac nous nous entraidons en étant très proches mais on va se battre ensuite comme dans une compétition pour avoir sa place en médecine. Cela fait un peu peur car chacun sait que les chances sont minimes. C'est une grosse épreuve à franchir. 

La concentration est-elle plus délicate avec un entraînement sportif en plus ?
 Cela pique un peu à 5h quand je me lève pour finir vers 13h puis le soir entraînement dans l'eau de 18h30 à 20h30. J'ai eu du mal à m'habituer en étant très fatiguée et dans ce cas la concentration est pour moi difficile mais je m'accroche.  

Décrochons des études si tu veux bien, en parlant natation. Quand as-tu découvert ce sport ?
Toute gosse. Chose amusante j'adorais nager en mer sans aucun souci mais en cours, dans la piscine j'avais peur de me lâcher en tenant le bord vers mes 4 ans. Et puis c'est venu ensuite à Gagny où j'ai été repérée à 6 ans et demi jusqu'à 15 ans où j'ai fait une année à Chelles puis à Claye-Souilly depuis janvier 2023 où je me sens bien avec Brice Lhermitte, très investi et qui me suis aussi pour le sport adapté. 

La natation a t-elle été ton unique sport ?
Non je partageais la natation avec la danse vers l'âge de 10 ans mais mes difficultés de coordination motrice ont fait qu'il était difficile de suivre le mouvement. Disons que j'étais plutôt celle qui était au fond de la salle. Et puis, même si j'ai aimé, je ne me suis jamais projeté vers l'avenir pour danser devant le public. J'étais pas trop à l'aise.

(Pôle France à Vichy - photo Sako Art)

Alors que quand tu plonges dans le bassin, c'est le bonheur ?
(Rire) Disons que je suis heureuse dans l'eau. (long silence) J'ai du mal à répondre à cette question. Je ne sais pas ce qui me donne cette si belle sensation. C'est tellement naturel pour moi. Je crois que l'eau devient ma bulle. C'est un rapport entre l'eau et moi.

Peux-tu aller plus loin dans cette recherche de sensations ?
J'aime ce corps qui avance en douce harmonie mais qui combat aussi la résistance de l'eau. L'eau est un élément fabuleux . Et puis à la piscine il y a un peu de tout comme nager seule pour me faire du bien mais aussi ce besoin de contact avec l'extérieur. C'est une question d'harmonie. Etre bien avec les autres puis dans l'eau. 

L'élément liquide semble t'avoir donné des forces mentales ?
  Mon équilibre de vie a changé. Je me remplis de plus de choses en me donnant à fond dans la natation et les études. J'ai changé mentalement. Mon courage pour affronter les choses est plus grand, il s'est développé en moi même si je manque de confiance. A 16 ans j'étais très timide et puis le fait de nager en eau libre m'a libéré en me remplissant de confiance. 

Quelle est la vraie différence dans un lac ou entre les quatre murs d'une piscine ?
C'est pas la même chose mais on ne peut pas comparer. En eau vive, tout change, la gestion de la nage, la stratégie, les points de repères, la fatigue, la longueur, le temps, les vagues...On doit s'adapter à ces éléments naturels. Je me suis endurcie et je sais que physiquement je peux avaler des kilomètres. Mon corps en est capable. 

Quels sont tes objectifs pour cette année ?
Le Championnat d'Europe avec le sport adapté. En eau libre peut-être le Championnat du monde et les Championnats de France. Je voudrais faire un maximum de podiums et confirmer ma médaille de bronze en Coupe de France. Je sais que j'ai du travail à faire. 

Tu fais partie d'un club civil mais quelle place trouve le sport adapté à tes yeux ?
Cela m'a permis de grandir? Le sport adapté m'a énormément changé. Cela m'a permis d'accéder au haut niveau. Et puis les Global Games ont été un régal, un autre univers pour moi. Ma vision change et cela me permet de voir au-delà du handicap. On se fout du handicap quand on est ensemble.

Le Pôle France tient-il une grande place pour toi ?
Oui, on se soutient, on s'écoute, on se parle, on se transmet des valeurs. Bref, on vit ensemble. Je sais les difficultés que j'ai mais je suis portée et on oublie tout à commencer par le travail sur le stress. C'est aussi un soutien dans la gestion de la vie quotidienne.

Le stress, comment se manifeste-t-il ?
J'ai un souci avec les rendez-vous. J'ai beaucoup de choses à faire et je dois anticiper sans cesse pour être à l'heure, ne pas manquer quelque chose, réfléchir à des tas de choses. Et si le car était en retard, et s'il y avait des embouteillages et si et si... Je dois prévoir, réfléchir, m'inquiéter pour ne rien rater, pour ne pas décevoir.

As-tu pensé à avoir un agenda pour vérifier toutes tes sollicitations quotidiennes ?
(Silence et amusée) Non mais je vais y réfléchir. 

Possèdes-tu des moyens pour t'évader ?
(En réfléchissant) C'est pas facile entre études et natation de haut niveau. J'avoue que je suis très exigeante avec les autres mais avant tout avec moi. Je suis très perfectionniste. C'est une qualité mais aussi un défaut, je sais. Je me donne à fond. J'ai la chance d'être encadrée, de retrouver le calme et la quiétude chez mes parents. Le fait d'être suivie, c'est quelque chose que j'apprécie. Je voudrais remercier ma ville de Gagny pour m'avoir permis d'être dans le journal municipal. C'est un beau geste.

Tu remercies beaucoup...
C'est la moindre des choses quand les gens te permettent d'avancer et de faire ce qui te permet d'être mieux. (Rire)

Alors Maëllys il vient ce rêve d'évasion ?
(Amusée mais directe) Un voyage en camping-car pour me ressourcer en regardant le paysage. Non plutôt en caravane. 

Peut-être pourras-tu demander à Emmanuel Macron qui t'a reçu à l'Elysée ?
(Large sourire) Je n'étais pas seule mais accompagnée par tous les sportifs médaillés du sport adapté. Je n'ai pas eu le temps de lui demander des choses en restant au bonjour d'usage mais c'est un honneur pour moi d'être reçu ainsi. Une occasion rêvée de fouler cet endroit. Maintenant, j'ai écouté son discours d'accueil. Je l'ai trouvé très beau, poignant et émouvant. J'ai été touchée au cœur.

Pascal Pioppi

Palmarès